[SR6] Premières impressions (Sixth World Beginner Box)

Je n’ai pas pour habitude de juger un produit avant de l’avoir essayé, j’attendais donc d’avoir eu l’occasion de faire une partie de la sixième édition de Shadowrun pour vous faire part de mon ressenti. Dimanche après-midi, j’ai donc réuni un petit groupe de joueurs pour tester la Beginner Box. Certains joueurs ayant un impératif d’emploi du temps, nous avons dû expédier un peu la fin du scénario, mais avons quand même pu avoir un bon aperçu des règles.

Outre un livret de règles d’initiation, un autre de scénario (incluant une présentation des principaux quartiers de Seattle), et un troisième présentant le monde de Shadowrun et ses enjeux, la boîte contient 4 personnages pré-tirés (le samouraï des rues Rude, la decker Zipfile, le face Yu et la magicienne Frostburn — la rigger Emu est quant à elle disponible en téléchargement), douze dés, un poster avec le plan de Seattle d’un côté et deux lieux visités dans le scénario de l’autre) et des cartes récapitulatives des différents sorts et armes du groupe (mais aussi des principaux PNJ et ennemis du scénario, ce qui s’est avéré plutôt pratique). Le contenu est donc plutôt honnête, quantitativement parlant.

Avant de plonger plus en détail dans mon ressenti, j’aimerais revenir sur mon histoire personnelle avec Shadowrun. J’ai découvert le jeu avec sa 3e édition. À l’époque, j’avais été obligé de truffer mon livre de post-its et de renvois de pages tant les règles étaient parfois nébuleuses et faisaient référence à des explications qui ne se trouvaient que 200 pages plus loin. Je suis donc habitué (pour le meilleur ou pour le pire) à ce que chaque nouvelle édition de Shadowrun soit un peu brute de décoffrage. Cela me rend donc peut-être plus indulgent que d’autres.

Donc histoire de crever cet abcès tout de suite : oui, la sixième édition de Shadowrun donne clairement l’impression d’être encore en plein chantier. Oui, les règles se contredisent parfois, et les cartes et fiches de personnages contiennent des erreurs. Oui, on a l’impression de jouer à la version Beta du jeu, avant que les bugs soient corrigés. Et oui, c’est vraiment dommage, d’autant que c’est un problème récurrent chez Catalyst depuis sa reprise du jeu. Cinq personnes sont créditées à la relecture du livret, donc ce n’est pas qu’ils y mettent de la mauvaise volonté. Mais clairement, il y a quelque chose de ne fonctionne pas dans leur processus. Il aurait sans doute été préférable que Catalyst table sur une sortie du jeu à Noël plutôt qu’à Origins et à la GenCon… Mais un éditeur de jeu sur table peut-il seulement se le permettre ? Pas sûr. Quoi qu’il en soit, on a clairement affaire à un produit sorti trop tôt.

Un des problèmes du jeu, je pense, est une question de style d’écriture. De mon point de vue, les règles devraient être aussi claires et neutres que possible. Là, les auteurs cherchent souvent à les tourner d’une manière amusante ou cohérente avec le parler des Ombres… ce qui contribue en réalité à les rendre parfois un brin confuses.

Il y a aussi des choses moins compréhensibles, comme le fait que la carte de Seattle fournie en poster soit toujours la version erronée de la version numérique Seattle Sprawl Box Set… et même pas celle de la version imprimée, pourtant en partie corrigée. Et ce alors qu’entretemps l’éditeur de la version allemande de Shadowrun, Pegasus Spiele, a sorti une version intégralement corrigée ! N’était-il pas possible de la récupérer pour l’utiliser dans SR6 ? J’avoue que pour le coup je ne comprends pas… La carte inclut une mention indiquant qu’il s’agit d’une version hackée contenant des erreurs à dessein, mais ce n’est pas très crédible, voire vaguement insultant.

Maintenant que cela est dit, plongeons plus avant dans le système lui-même.

Si fondamentalement on retrouve des bases (on additionne le score de la Compétence et de l’Attribut, ce qui donne une réserve de dés, et on cherche à obtenir davantage de 5 et de 6 que le seuil de réussite de l’action), chaque édition de Shadowrun depuis la 3e est, d’une manière ou d’une autre, une réinvention du jeu. À l’usage je m’étais lassé de la 4e édition, qui virait trop au fantasme de puissance, et j’avais aimé le retour à un jeu âpre et mortel dans la 5e, même si cela s’accompagnait d’une complexification des règles (les limites…). Cette 6e édition tente encore une nouvelle approche, autour de deux axes principaux : rendre les combats plus rapides, et donner plus d’importance à l’Edge.

Pour rendre les combats plus rapides, SR6 simplifie notamment l’Initiative et la gestion de l’Armure. L’Initative n’est calculée qu’une seule fois pour tout le combat, et plus à chaque tour — j’avoue avoir continué à demander des jets d’Initiative à l’ancienne, ne réalisant mon erreur qu’après coup. La force de l’habitude ! Côté Armure, une fois les dégâts calculés, la victime fait un seul jet avec son attribut Constitution. Chaque succès permet de réduire de 1 les dégâts subis. Et voilà. On perd un peu niveau simulation, mais ça ne nous a pas dérangés pendant la partie. [Note : Il s’avère que j’ai mal interprété le bonus de +x indiqué à côté de l’armure, qui n’est en fait utilisé que pour déterminer si l’attaquant reçoit un point d’Edge bonus ou non, et ne vient donc pas s’ajouter au jet de Constitution contrairement à ce que j’avais écris initialement.]

Autre différence : le jeu encourage de regrouper les ennemis “basiques” (ex : ganger, garde corpo…) en escouades de “Grunts”, agissant comme un seul homme dans le tour : leurs réserves de dés sont augmentées de 1 par membre supplémentaire. On va donc avoir par exemple : le groupe de 4 grunts équippés d’armes à feu (score d’attaque de base +3), et le groupe de 3 armés de katanas (score d’attaque de base +2). Rien à redire là dessus, à l’usage c’est plutôt efficace et ça permet de mettre en scène des affrontements épiques sans passer une heure sur chaque tour de jeu.

L’autre gros changement, c’est la gestion de l’Edge, qui devient une réserve de points qui fluctue durant une situation donnée, et qui revient à son niveau par défaut une fois la situation résolue. Là où auparavant on devait calculer les bonus et malus à la réserve de dés liés à chaque situation, le nouveau système d’Edge est beaucoup plus fluide : le joueur est avantagé ? Le MJ va lui donner un point d’Edge. Au contraire, c’est l’ennemi qui a l’avantage ? Alors c’est lui qui va recevoir un point d’Edge. Le joueur peut dépenser ses points d’Edge à sa guise avant ou après une action, pour obtenir divers résultats : 1 point pour relancer un dé, 2 points pour enlever 1 point à l’ennemi, 3 points pour avoir une réussite automatique… jusqu’à 5 points, pour par exemple obtenir un effet spécial unique (en accord avec le MJ). On retrouve là l’influence des Plot Points d’Anarchy.

C’est véritablement une nouvelle habitude à prendre, et durant notre partie de test, nous n’avons pas utilisé l’Edge à son plein potentiel. Mais l’un des moments les plus mémorables de la partie a eu lieu lorsque la joueuse de Rude le troll a dépensé ses 5 points d’Edge pour ensevelir des gangers sous des étagères en les renversant façon domino. L’utilisation de l’Edge encourage les joueurs à faire preuve de créativité au-delà de ce qui est couvert par les règles, et je ne peux qu’être pour.

Le scénario inclut dans la boîte, Battle Royale Adventure, est une énième variation sur le thème du classique Food Fight. Les runners se rendaient au Stuffer Shack au milieu de la nuit, et se retrouvent pris au milieu d’un rassemblement de gangs ennemis façon The Warriors. Pour être honnête, je n’ai jamais trouvé que Food Fight, quelle que soit la version, soit un très bon scénario d’initiation pour Shadowrun, et c’est encore plus flagrant dans cette boîte. Il m’a fallu faire quelques ajustements pour en faire quelque chose d’un peu plus intéressant — ou en tout cas, plus cohérent*. Je trouve surtout dommage que ce scénario ne mette pas mieux en scène les différentes capacités des runners pré-tirés.

Pour conclure, mon ressenti sur cette sixième édition de Shadowrun est : de très bonnes idées (qui donnent certes au jeu un feeling très différent), on s’est bien amusés, le potentiel est là. C’est juste dommage qu’au lieu d’être sublimé par un produit de qualité, SR6 démarre de manière un peu bancale. Mais cela ne nous empêchera pas de faire une autre partie : les joueurs ont apprécié l’expérience, et ont maintenant envie de créer leurs propres personnages… Ce qui, malgré les errements éditoriaux de cette 6e édition, est quand même plutôt bon signe.

*Pour ceux que ça intéresse, voici les principales modifications que j’ai apportées au scénario Battle Royale Adventure :

5 thoughts on “[SR6] Premières impressions (Sixth World Beginner Box)

  1. bougna

    Juste une remarque, l’encaissement se fait seulement avec la Constitution dans le core book, c’est différent dans la beginner box? L’armure ne servant qu’a “générer” de l’edge dans le core book!

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    1. Opsys Post author

      Effectivement, j’ai mal interprété le +x de l’Armure et pensé que c’était un bonus qui venait s’ajouter à la Constitution.

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  2. HadriDreamwalker

    Tout comme toi, j’aimerais bien tester Shadowrun 6 pour pouvoir me faire un avis. J’ai lu beaucoup de retour négatifs dessus, mais ton retour me semble un peu plus encourageant que ce que j’ai lu jusqu’à présent. Toutefois, ce qui m’a finalement vraiment ralenti dans l’opération, c’est d’entendre parler de la qualité du matériel proposé par Catalyst, surtout quand je ne sais pas comment me procurer la VO sans passer par leur site et payer aussi cher de matos que du frais de port 🙁

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