Le Tokyo Sourcebook
En 1995 sort Tokyo Eye-Shot, un recueil de nouvelles de Egawa Akira relatant les aventures d’une journaliste dans la capitale nippone. Ce recueil servira de mise en bouche pour le grand projet de Group SNE : le Tokyo Sourcebook.
L’ouvrage paraît en 1996 et a une double ambition : proposer un vrai guide de Tokyo dans la droite lignée des ouvrages parus dans la gamme occidentale et consacrés à Seattle ou Londres, mais aussi développer le Japon de 2054.
Malheureusement, ce supplément de contexte se révèle extrêmement contradictoire avec le matériel officiel. Pour commencer, l’Etat Impérial du Japon n’existe pas dans la version de Group SNE : le Japon est dirigé par les mégacorporations, et le gouvernement n’est qu’une institution fantoche. Tokyo a été dévastée en 2035 lors d’une guerre corporatiste opposant Fuchi à “Asakura Electronics”, et la capitale a été déplacée à Kyoto. Le Tokyo de Group SNE est une ville en reconstruction, où s’affrontent gangs et pillards et où la police peine à faire respecter la loi. Le mot “Empire” n’est utilisé que pour désigner la puissance économique japonaise.
Dans ce livre, la ville de Tokyo proprement dite est divisée en plusieurs districts : West Shinjuku et Shibaura sont des districts corporatistes; East Shinjuku et Roppongi sont des centre-villes ; Shibuya est aux mains des gangs ; Akihabara est évidemment le paradis des techies ; Chiyoda et Shinagawa sont des zones résidentielles ; Ikebukuro et Haneda sont des districts en reconstruction. Enfin Ueno est une forêt magique.
Une partie du livre est consacrée aux mégacorporations, un chapitre repris en grande partie du supplément américain Corporate Shadowfiles, malgré quelques bizarreries (par exemple, il n’est fait aucune mention de la Cour Corporatiste, et les mégacorpos peuvent librement s’affronter dans les rues…) On retrouve également quelques points de règles traduites du Neo Anarchist’s Guide to Real Life (sur les credsticks, notamment). Un autre chapitre dépeint une forme de magie typiquement japonaise : l’Onmyo-do. Puisant dans les traditions bouddhistes, chinoises et japonaises, cette discipline se traduit en terme de jeu par un mélange de magie hermétique et de pouvoirs d’adeptes. Enfin, une dernière partie est consacrée à de nouvelles métacréatures, notamment un “oni” qui est ici une sorte de vampire et non une variante d’ork.
Le changement le plus drastique concerne la mentalité même de la population japonaise. En effet, le racisme qui la caractérise dans la gamme occidentale de Shadowrun est ici totalement absent. L’île de Yomi n’existe pas, et les métahumains sont intégrés au reste de la population nippone. La raison est probablement que les jeunes joueurs japonais (et probablement les membres de Group SNE eux-mêmes) n’apprécient pas franchement que leur pays soit dépeint comme raciste et totalitaire. On peut se demander si cet état de fait a poussé FASA / FanPro à faire évoluer sa représentation du Japon à partir de l’Année de la Comète…
Du coup, ce Tokyo Sourcebook n’a que peu d’intérêt vis-à-vis de la gamme occidentale de Shadowrun : il s’agit davantage d’une “réalité alternative” que d’un vrai supplément de contexte, un peu à la manière du tristement célèbre supplément France jadis publié par Descartes. A noter qu’une partie du mecha-design du livre a été réalisé par Production I.G., le célèbre studio d’animation responsable de Ghost in the Shell.
Egawa Akira signera également un roman complet : Shikkoku no Senki, qui paraîtra en septembre 1996. Illustré par Shiki Satoshi, on y retrouve également certains des protagonistes des replays.
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