“Si vous êtes à Puyallup, et que vous avez besoin d’aide, appelez-moi. Mais si vous apportez des embrouilles dont ce quartier n’a pas besoin, quelqu’un finira par me contacter, à votre sujet. Et croyez-moi quand je dis que la suite ne vous plaira pas.”
Jimmy Kincaid, détective privé dur à cuire spécialisé dans les investigations paranormales, est tout d’abord apparu en 2012 dans la nouvelle Neat, qui nous avait beaucoup plu à l’époque. Le personnage de Russell Zimmerman a fait son retour en fin d’année dernière dans Shaken : No Job Too Small, première partie d’une trilogie de romans. Kincaid n’a pas changé depuis sa précédente affaire : il reste cet ancien flic elfe, ayant perdu le plus gros de son talent magique sous les crocs d’un Vampire, qui mène ses enquêtes aux côtés d’Ariana, son esprit allié.
Le personnage est toujours aussi sympathique, comme savent l’être les détectives privés de roman noir. Kincaid, malgré son cynisme et son caractère de cochon, met un point (et souvent un poing) d’honneur à protéger les petites gens du quartier déglingué de Puyallup. Souvent, il sert d’intermédiaire, cherchant des compromis avec la Mafia, le Yakuza ou les gangs dans le but d’alléger le fardeau de ceux qui seraient sinon à la merci de ces prédateurs urbains. Kincaid sait qu’il ne pourra jamais changer le monde, mais il peut trouver des compromis qui rendront la vie plus facile aux habitants de son quartier, au jour le jour. Quitte à récolter quelques coups dans la tronche au passage… qu’il mérite, de temps à autre.
Le roman commence par une série d’affaires en apparence sans liens les unes avec les autres, permettant de replonger le lecteur dans la vie quotidienne et misérable de Puyallup, aux rues couvertes de cendres. Mais très vite, le privé elfe se retrouve confronté à un mystère plus important. Plus dangereux aussi. Lorsque son mentor en magie hermétique, le Professeur Christopher Minirth, décède d’une crise cardiaque dans son bureau de l’université de Seattle, les enquêteurs de Knight Errant ont tôt fait de classer l’affaire. Sauf que Minirth a laissé un testament, dans lequel il demande à Kincaid de découvrir qui l’a assassiné. Une requête qui va confronter Kincaid aux fantômes de son propre passé.
En terme d’écriture, Shaken : No Job Too Small est sans aucun doute l’un des meilleurs romans Shadowrun de la nouvelle vague. Zimmerman manie avec brio le style néo-noir (ou faudrait-il parler de cybernoir ?), ses dialogues sont truculents, les personnages (nombreux) sont attachants. L’auteur parvient même à donner un rôle de choix à certains des personnages pré-tirés de Shadowrun 5 (nommément Hardpoint, Sledge et surtout Gentry, vus dans les différents Runner’s Toolkits). Pour s’y retrouver dans cette profusion de trognes, gangers, mafieux et shadowrunners, avoir lu Neat est certainement un plus.
Difficile de lâcher le roman une fois celui-ci commencé, même s’il faut bien reconnaître que l’histoire en elle-même n’est pas très surprenante. En fait, le roman a la malchance de sortir après Crimson et les enquêtes de Thomas McAllister, qui possèdent de nombreuses similitudes avec Shaken tant dans la forme et dans le fond. Malgré ce petit regret, la qualité de ce roman démontre que Kincaid mérite de ne pas rester cantonné aux histoires courtes, et on a désormais hâte de lire la suite de ses aventures. C’est qu’à Puyallup, le crime ne dort jamais.