Deniable Assets // Mel Odom

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Je vais être franc : j’attendais ce nouveau roman Shadowrun avec une certaine appréhension. Déjà, car le résumé de l’intrigue insistait sur le fait que l’artéfact au cœur de l’intrigue était une “relique du Deuxième Monde”, ce qui semblait confirmer un divorce avec le Quatrième Monde d’Earthdawn, qui jusque-là tenait lieu de passé mythique pour Shadowrun. La nouvelle équipe éditoriale d’Earthdawn, FASA Games Inc., n’a d’ailleurs pas fait mystère de son désir de couper les ponts avec Shadowrun.

Autre point d’inquiétude : l’auteur, Mel Odom. Si l’on m’a sans cesse répété que celui-ci avait par le passé écrits de très bons romans dans l’univers Shadowrun (Praying for Keeps ou Run Hard, Die Fast), pour ma part je le connaissais uniquement pour son désastreux roman Might & Magic, The Sea of Mist, qui reste à ce jour probablement le plus mauvais livre que j’ai eu le déplaisir de lire.

Commençons donc par dissiper ces angoisses : non, Deniable Assets ne répudie pas Earthdawn. Au contraire, même, cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu de liens aussi forts entre les deux jeux, même si, sans doute pour des raisons de droits, ces connexions ne sont jamais totalement explicites. Mais quiconque connaît le Quatrième Monde d’Earthdawn saura immédiatement de quoi il est question.

Et oui, Mel Odom est heureusement bien meilleur dans l’univers Shadowrun que dans celui de Might & Magic. Ouf.

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Le personnage principal de Deniable Assets est Katar Hawke, un shadowrunner pour qui être professionnel signifie avant tout ne pas tisser de liens trop étroits avec ses collègues. Travailler ensemble le temps d’un run, d’accord — devenir amis, jamais. Hawke se trouve à Austin lorsqu’il est engagé par un M. Johnson pas franchement dans son élément pour une mission d’exfiltration. Il s’agit de récupérer Rachel Gordon, une étudiante en archéologie, sur un site de fouilles. La difficulté principale vient du fait que le site en question se situe en Aztlan. L’autre souci, c’est que Rachel, guidée par d’étranges rêves qui la tourmentent depuis l’enfance, a mis la main sur une étrange pierre dans les ruines. Désormais, quiconque tente de s’approche d’elle est attaqué par une entité aussi mystérieuse que dangereuse, “l’homme des ombres”.

Lorsque Katar et son associée du moment, la rigger elfe Flicker, arrivent sur place, ils sont confrontés aux troupes d’Aztechnology, qui semblent bien décidées à récupérer Rachel les premiers. Pourquoi un lien si fort existe-t-il entre Rachel et la pierre, et quelle est la source des rêves l’ayant guidée jusqu’aux ruines, semblant remonter à une civilisation plus ancienne encore que les mayas ? Une chose est sûre : beaucoup de gens semblent prêts à tuer pour obtenir ce trésor. Pour espérer survivre, Hawke devra briser sa règle la plus essentielle et apprendre à confier sa vie à ses équipiers. Seul, un shadowrunner n’est après tout rien de plus qu’un atout sacrifiable…

Deniable Assets est mené tambour battant, chaque chapitre ou presque laissant le lecteur en haleine. Outre les clins d’œil à Earthdawn évoqués plus tôt, le roman contient également son lot de références plus ou moins discrètes aux metaplots de Shadowrun, notamment le Testament de Dunkelzahn. Tous ses éléments donnent à Deniable Assets une saveur particulière pour les “vieux fans”, un sentiment de continuité bienvenu.

Le roman n’est malgré tout pas parfait. Après une première moitié très maîtrisée, l’intrigue est résolue un peu à la va-vite, comme si l’auteur s’était soudainement trouvé à court de pages. Du coup, certains personnages, comme l’ambigu mentor de Rachel, le Professeur Fredericks, disparaissent purement et simplement de l’intrigue. L’écriture tombe également parfois dans certains clichés : lorsque l’auteur décrit les prouesses du rigger que Hawke veut embaucher et précise qu’il s’agit d’une femme, on sait d’avance qu’il s’agira d’une elfe belle à tomber. Évidemment. C’est toujours une elfe belle à tomber.

Autre regret, les personnages semblent parfois en savoir plus qu’ils ne devraient, et réagissent de façon stoïque, voire blasée, à des révélations qui devraient en toute logique bouleverser leur univers. Alors certes, ils peuvent être familiers de la Théorie des Cycles de Magie d’Erhan le Scribe, mais imaginer que de précédents mondes magiques ont peut-être existé n’est pas la même chose que d’être confronté directement aux preuves de leur existence. On sent une porosité entre les connaissances de l’auteur lui-même et celles de ses personnages, un reproche que l’on avait déjà fait à un précédent roman, Crimson.

Enfin, un des rebondissements (la nature du fameux “homme de l’ombre”) n’est pas totalement convaincante, en particulier en comparaison avec la manière dont cette entité était dépeinte au début du roman. Comme si l’auteur avait changé d’avis en cours de route, ou avait maladroitement fusionné deux sous-intrigues qui devaient originellement être distinctes, encore une fois en raison d’un manque de pages pour les conclure séparément.

Malgré ces écueils, Deniable Assets se révèle un bon roman Shadowrun, parmi les meilleurs publiés récemment.

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