High-Rise // Ben Wheatley

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Film_HighRise_1“Plus tard, installé sur son balcon pour manger le chien, le Dr Robert Laing réfléchit aux événements insolites qui s’étaient déroulés à l’intérieur de la gigantesque tour d’habitation au cours des trois derniers mois…”

Ainsi commence le roman High-Rise de J.G. Ballard (traduit en français sous le titre I.G.H., pour “Immeuble de Grande Hauteur”). Longtemps confinée dans le development hell d’Hollywood, l’adaptation en film de cette fable d’anticipation grinçante est finalement confiée au réalisateur Ben Wheatley et sort au cinéma en 2015.

Plutôt que transposer High-Rise à l’époque contemporaine, Wheatley décide de situer son film en 1975, année de parution de l’œuvre originale. High-Rise nous replonge donc dans l’Angleterre quelques années seulement avant l’arrivée de Margaret Thatcher au poste de Premier Ministre. Une Angleterre consumée par le capitalisme et la quête toujours plus effrénée de la réussite individuelle et sociale, et qui ne s’intéresse plus guère qu’à la recherche de son propre plaisir, insouciante des fractures qui s’opèrent dans la société entre haves et have-nots.

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Le personnage principal de High-Rise, le Dr. Robert Laing (Tom Hiddleston), traverse une phase de doute et de remise en question de son existence après la mort de sa sœur (dans le roman, il sort d’un divorce douloureux). Son dossier est alors accepté pour occuper un appartement au vingt-cinquième étage d’un luxueux immeuble conçu par l’architecte Anthony Royal (Jeremy Irons).

Royal a conçu son immeuble — le premier d’un ensemble de cinq tours — comme une mini-société à part entière, dans toute sa diversité : classes défavorisées dans les étages les plus bas, classes moyennes à mi-hauteur, et classes aisées au sommet. L’immeuble a toutes les commodités : salles de sport, piscine, supermarché, école, coiffeur, banque… Une vie entière pourrait se dérouler à l’intérieur, sans plus jamais avoir le besoin d’en sortir. Lorsque Royal montre les plans de son grand-œuvre à Laing, ce dernier a une remarque quasi-prophétique : “on dirait le diagramme inconscient d’une sorte d’événement psychique…”

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En apparence, la vie au sein de l’immeuble semble idyllique. Mais Laing, obligé de socialiser avec ses voisins, ne tarde pas à constater que les apparences sont trompeuses. Les divisions sociales sont amplifiées par la structure verticale de l’immeuble. Les habitants des étages inférieurs ont le sentiment d’être dépossédés de services auxquels ils devraient avoir droit par les habitants des étages plus élevés. Certains locataires s’autoproclament gardiens des colonnes à ordure, et traquent ceux qu’ils soupçonnent de les boucher. Les classes les plus élevées tentent de privatiser la piscine afin d’y organiser une fête où “ceux d’en bas” ne seraient pas autorisés. Le journaliste sans emploi Richard Wilder (Luke Evans), issu des strates les plus basses de l’immeuble, devient quant à lui meneur d’une révolte contre “ceux d’en haut”.

Bientôt des problèmes techniques achèvent de plonger l’immeuble dans le chaos. Des coupures d’électricité poussent les communautés à revenir à un fonctionnement quasi-tribal. Les fêtes d’étage virent à l’orgie, alors qu’alcool et drogues passent de main en main. Bientôt, les habitants de l’immeuble sont entraînés dans une spirale de sexe et de violence, et la situation dégénère en guerre civile. Plutôt que de sortie travailler et faire sa vie, les occupants de l’immeuble se retranchent chez eux, forment des bastions et des barricades, s’affrontent pour contrôler le moindre espace. Et tout le monde semble préférer ce retour à la barbarie à la vie “au-dehors”…

High-Rise fait de son immeuble une métaphore de la société à la sortie des trente glorieuses, et pousse à l’extrême sa déliquescence et son autodestruction avec une perversité toute britannique. Souvent choquant et dérangeant, le film de Ben Wheatley est par ailleurs très maîtrisé esthétiquement, et servi par d’excellents acteurs. Dommage que le message ne soit pas plus fort et surtout mieux transmis : dans sa deuxième moitié, le film se perd dans le chaos et l’outrance, et le cinéaste, peut-être pris dans le même tourbillon malsain que ses personnages, oublie qu’il a aussi besoin de proposer une intrigue et pas seulement une succession de scènes-choc. Le film ne parvient donc jamais vraiment à dépasser son postulat de départ, mais reste néanmoins une bonne inspiration pour une arcologie prise de folie.

Inspiration Shadowrun : Paradise Tower est une nouvelle arcologie dernier cri, censée rassembler les différentes couches de la société et promouvoir le vivre-ensemble dans la sécurité. C’était compter sans la nature humaine et sa tendance naturelle à la formation de castes et de tribus. Tandis que les étages inférieurs se transforment en taudis, les riches habitants du sommet se livrent à un hédonisme décadent. Quand la tour se coupe du reste du métroplexe, les runners sont engagés pour exfiltrer un habitant. Ils découvrent une arcologie en pleine guerre civile… qu’aucun habitant ne semble pourtant vouloir abandonner !

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