Avec la sortie prochaine de l’adaptation live de Ghost in the Shell, il nous a semblé judicieux de revenir aux sources de la franchise, c’est-à-dire le manga de Shirow Masamune. Publiée entre 1989 et 1990 dans les pages de Weekly Young Magazine (une revue de la maison d’édition Kôdansha), la série porte originellement au Japon le titre Kôkaku Kidôtai, que l’on peut traduire par “division mobile blindée de la police anti-émeute”. The Ghost in the Shell (hommage au roman The Ghost in the Machine d’Arthur Koestler, paru en français sous le titre Le Cheval dans la Locomotive), ne devait être qu’un sous-titre, mais deviendra le nom international de la franchise
The Ghost in the Shell prend place en 2029, au Japon, dans une ville portuaire appelée Niihama. Dans ce futur basé sur les idées du courant cyberpunk, de nombreux humains ont fait le choix de cybernétiser tout ou partie de leurs corps, notamment leur cerveau, gagnant des capacités intellectuelles accrues mais aussi le risque d’être piraté par des hackers. Internet a fait place à un “réseau numérique mondial” proche de la Matrice, tandis que les mégacorporations contrôlent le pays par la corruption. Dans ce monde où le corps biologique n’est qu’une option comme une autre, le concept de “ghost”, l’esprit dans la machine, a supplanté celui d’âme.
Le manga suit les enquêtes de la Section 9 de la Sécurité Publique, une unité d’élite anti-terroriste inspirée de l’unité GSG 9 allemande. Les membres de la Section 9 sont des électrons libres, anciens militaires, espions, flics ou mercenaires, ne rendant de comptes qu’à Daisuke Aramaki, surnommé “le vieux”. L’héroïne de The Ghost in the Shell est le Major Motoko Kusanagi, une femme cyborg au corps totalement cybernétique, dirigeant l’escouade mobile de la Section 9.
The Ghost in the Shell est découpé en 11 chapitres indépendants : un prologue, huit affaires complètes, et deux courts chapitres “bonus” (notamment The Making of a Cyborg, retraçant la création du corps du Major, qui servira d’inspiration à l’inoubliable générique du film d’animation de 1995).
Au cours de ces huit enquêtes, la Section 9 sera confrontée à toutes sortes de menaces, plus ou moins insidieuses mais toujours dangereuses : politiciens véreux, trafiquants en tous genres, hackers, agents doubles, assassins professionnels… Entre deux fusillades et autres plongées dans le réseau, le manga s’attarde sur les difficultés rencontrées par les membres de l’unité pour mener une vie “normale” : Togusa, le membre le moins cybernétisé de la bande, aimerait passer davantage de temps avec son épouse et leur fille nouveau-née, tandis que la vie sentimentale du Major est catastrophique… en tout cas dans le monde physique.
The Ghost in the Shell évolue énormément au fil des chapitres. Les premiers récits mettent l’accent sur l’action et les mechas, avec un ton assez léger et humoristique, proche des précédents mangas de Shirow, Dominion Tank Police et Appleseed. Un aspect majeur du manga, totalement absent des deux films de Mamoru Oshii, est la présence des fuchikoma, des sortes de mini-tanks arachnéens dotés d’une intelligence artificielle. Il faudra attendre la série télé Ghost in the Shell: Stand Alone Complex pour voir ce concept adapté en animation, sous la forme des tachikoma.
Les fans des films d’animation ou des séries télé estampillées Ghost in the Shell seront par ailleurs peut-être surpris du traitement de certains personnages. Batou, par exemple, compagnon fidèle et fiable du Major dans les versions animées, est un gros bêta tout juste bon à servir de souffre-douleur dans le manga. Tout comme Togusa, très souvent dindon de la farce et objet des brimades du reste de l’escouade. Même Motoko est ici bien moins sérieuse que son alter-ego des petit et grand écrans.
Mais petit à petit, les fuchikoma sont relégués à l’arrière-plan et le manga se recentre sur des affaires plus sombres et dramatiques, permettant à Shirow d’aborder des thématiques philosophiques et métaphysiques. C’est particulièrement vrai dans le récit Bye Bye Clay, lorsque la Section 9 se retrouve confrontée au Marionnettiste, un super-hacker. L’histoire Robot Rondo, quant à elle, offre à Batou et Togusa l’occasion de briller en démêlant une sordide affaire de sex-dolls meurtrières. (Ce chapitre inspirera la trame du second long-métrage, Innocence).
Fascinant visuellement, tant du côté des planches en couleurs que de celles en noir et blanc, The Ghost in the Shell n’est pas pour autant facile à lire. L’auteur est en effet adepte des dialogues cryptiques et du jargon pseudo-scientifique. À cela vient s’ajouter un autre problème : la traduction française sortie chez Glénat en 1996 est à la limite de l’incompréhensible. Il aura fallu la récente réédition anglaise par Kodansha Comics pour que je puisse enfin apprécier ce monument du cyberpunk.
(On reparlera très bientôt sur Fondation Draco des deux suites de Ghost in the Shell en manga : Human-Error Processor et Man-Machine Interface.)
J’aimerai tellement une nouvelle édition française sans erreurs honteuse d’adaptation/traduction/mise en page ….
Le plus drôle c’est les erreurs de sens / adaptation / casting sont même dans la VF doublée de la saison 1 de SAC ^^ à croire que c’est une tradition de massacrer gits 🙂
Je vais me pencher sur l’édition que tu mentionne, merci 🙂
Je pense que la saga GitS est si complexe qu’à moins de trouver un traducteur qui maîtrise à la fois le japonais ET les codes du cyberpunk, il sera toujours difficile d’avoir de vraies bonnes traductions, malheureusement…
Merci pour l’article.
Avec un peu de chance, un éditeur fera preuve d’opportunisme et surfera sur la sortie du film pour nous sortir une VF digne de ce nom.
Glénat a annoncé une “Perfect Edition” avec sens de lecture japonais et nouvelle traduction pour le 8 mars. Peut-être enfin une bonne VF de GitS ? http://www.glenatmanga.com/ghost-in-the-shell-perfect-edition-tome-1-9782723497039.htm
J’ai reçu mon exemplaire, ça semble pas mal, mais faut que je trouve le temps de relire 🙂
Je sors de Cultura avec l’ouvrage sous le bras.
On verra bien ce que ça donne 🙂
Bonne lecture!
Par contre la suite est pas pour tout de suite 🙂